Monday, April 2, 2018

BIOGRAPHIE DE MAAM

Maria de los Angeles Argote Molina, MAAM, Angela Argote ou simplement Angela, comme nous l’appelions tous tout au long des 20 dernières  années de sa vie, est née le 14 juillet 1955 dans une maison de la Place de la Madeleine, à Jaén.


SA FAMILLE

Son père Angel Argote San Martín était le fils d'une riche famille ruinée, républicaine de droite, descendante des Argote de Cordoue, parmi laquelle le fameux poète Luis de Góngora y Argote. La mère, grand-mère paternelle d'Angela, était Rosa de San Martín, née à Buenos Aires et descendante du général José de San Martín, "libertador" de l'Argentine.

Sa mère, Ascención Molina Ramón, fut orpheline dès son jeune âge. Son père, Pascual Molina, cordonnier, militant du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) et de l'UGT (Union Générale des Travailleurs) mourut pendant la guerre civile. Sa mère, Josefa Ramón, grand-mère maternelle d'Angela, veuve avec 3 enfants en bas-âge, souffrit l'humiliation des  femmes républicaines et sa tête fut rasée en public dans les arènes de Jaén. À la fin de la guerre, plongée dans la misère, elle se mit à servir comme femme de ménage pour un plat chaud et quelques restes pour ses trois enfants: Ascención, Manuela et Julio.
Plaza de la Magdalena - Jaén

Ascención, mère d'Angela, n'eut pas d'autre choix que de se mettre à coudre peu de temps après sa naissance, apprendre le métier chez une couturière du quartier de Los Caños et, à 13 ans elle créa son propre atelier, chez elle, où elle travaillait plus de 14 heures par jour.
Ascención et Angel se marièrent, sans la bénédiction de la famille paternelle, et le jeune couple s’installât dans un petit appartement de la très ancienne place de la Magdalena qui abrite la grotte d'où, selon la légende, surgit le "lézard de Jaén". Face à la grotte, de l'autre côté de la place, naquit Angela et, 3 ans plus tard, son frère Manuel.


LE FLAMENCO

Juanito Valderrama
Ils avaient alors un célèbre voisin, le chanteur de flamenco Juanito Valderrama, auteur de la populaire chanson " El emigrante", et qui fut son premier idole. Cela provoqua son grand attachement au flamenco qui l'amena quelques années plus tard à collaborer avec de jeunes artistes du chant, de la guitare et de la danse pour la création de plusieurs spectacles. Elle récitait ses vers, toujours accompagnée par la guitare ou le piano, comme rhapsode d'un talent impressionnant, et fournissait les paroles des chants de fandango, soleá, taranta, tango, alegría ou bulerías de ses compagnons.


ETUDES et POÉSIE
Dans une ville de Jaén, déprimée et durement réprimée par la répression 
Angela à la fontaine de Los Caños - Jaén

franquiste pour avoir été la dernière capitale de province républicaine à capituler, elle se distingua très tôt par ses inquiétudes intellectuelles et un caractère qui s'avéra rapidement comme fortement imprégné de rébellion.

En 1961, à l'âge de 6 ans, elle reçut de la main de l'évêque de Jaén son premier prix, de catéchisme, pour réciter de mémoire toute la messe en latin. Et cette même année elle commença à écrire de la poésie, chose qu'elle ne cessera de faire tout au long de sa vie.
Elle vivait dans un foyer où les livres tout simplement n'existaient pas et cependant, ou peut-être pour ce motif, s'emparât d'elle une passion pour la lecture qui étonnait son entourage. Elle étudiât chez les religieuses du quartier de Los Caños. Selon la mentalité de l'époque, elle débutât dans la classe des "filles pauvres". Cependant, ses aptitudes intellectuelles ayant rapidement attiré l'attention des bonnes-sœurs, elle passât à la classe des "filles payantes", dotée prétendument d'une bourse paroissiale, avec l'intention voilée, qui devint manifeste quelques années plus tard, de l'attirer vers la vie monastique. 


RUPTURE et RÉCONCILIATION FAMILIALE
Manuel, Ascención et Angela - Jaén 1961

Cette même année 1961, son père sortit de la maison pour acheter du tabac et ne revint plus. Incapable de supporter l'ambiance étouffante de Jaén dans la post-guerre, réfugié dans l’alcool, il s'enfuît comme beaucoup de sa génération à Barcelone en quête d'une meilleure vie et abandonnât tout simplement sa famille.
Angela, son frère et sa mère vont habiter chez la grand-mère Pepa Ramón, rue Santa Cruz. C'était une pièce unique dans une vieille "maison de voisins". L'habitation n'avait pas d'eau courante et il y avait seulement un robinet dans le patio, avec un WC à la turc que partageaient tous les locataires de l'immeuble.
Sa mère Ascencion divisa en deux l'habitation avec un rideau: son atelier de couture à l'entrée et derrière, les lits et un réchaud près de la fenêtre. Angela partageait le lit avec sa grand-mère et il en fut ainsi jusqu'à son départ pour aller étudier à Grenade, à 17 ans. 
6 ans plus tard, en 1967, à l'age de 12 ans, Angela qui n'était jamais sortie de Jaén, entreprend avec sa mère un voyage en train, urgent et mémorable, à Barcelone, pour recueillir son père malade et hospitalisé. Jusqu'à ce jour, elles n'avaient eu aucune nouvelles de lui depuis son départ. Elles rentrèrent avec lui à Jaén.
La famille reconstituée vit avec la grand-mère Pepa, dans un appartement de la rue Merced Baja, qu'Ascención avait acheté peu avant avec ses économies, après que, soudainement et en pleine nuit, s'effondrât le mur de leur habitation de la rue Santa Cruz.



UNE NOUVELLE MAISON et DÉCOUVERTES LITTÉRAIRES
Couverture de "La bible expliquée"

Dans cette nouvelle maison, qui avait été la résidence d'un curé, Angela fait une découverte fantastique. Apparaissent dans une des pièces des livres que les locataires décident de brûler, m'en voyant pas d'autre usage, s'agissant, d'autant plus, de... "livres d'un curé!"... Mise au courant, sa mère demande aux voisins d'attendre que sa fille "qui aime tant les livres" leur jette un coup d’œil avant de les mettre au feu. Angela arrive et découvre deux petits livres avec une couverture rouge qui frappe son attention et peut lire: "Voltaire: La Bible Expliquée". La lecture de cet authentique joyau bibliographique la marquera pour toujours.
Federico Garcia Lorca
Peu après c'est aussi à cet age de 12 ans, qu'Angela découvre par hasard Federico Garcia Lorca. Ayant écrit et récité en classe un poème, le professeur lui reproche d'avoir plagié Federico. Elle répond vexée que les vers sont bien d'elle et que d'autre part, elle n'a aucune idée de qui est ce Federico en question. Elle découvre alors l'oeuvre de l'auteur du "Romancero Gitano" et tombe de suite amoureuse de sa poésie et de sa personnalité. A travers de lui elle s'engage dans l'oeuvre des autres auteurs de la "génération de 1927" et d'Antonio Machado qui sera une référence absolue tout au long de sa vie.
Luis de Góngora y Argote
En 1970, trois ans après son retour à Jaén, son père Angel meurt soudainement d'une crise cardiaque à l'âge de 42 ans. A cette époque, la famille paternelle convoque tous les "Argotes" de Jaén pour leur communiquer qu'après de longues et coûteuses investigations, il est possible de confirmer qu'ils sont tous descendants directs du fameux poète Luis de Góngora y Argote. Angela a alors 15 ans. Elle étudie au lycée; elle a dévoré toute la poésie en langue espagnole qu'elle a pu trouver et elle ne peut se contenir et exclame avec toute l'innocence et la rébellion propres à l'adolescence: "En tenant en compte que Don Luis était un curé, il est clair que nous sommes tous des fils de pute!". Cette année-là elle lit Unamuno et éprouve pour lui une grande admiration. 


CONSCIENCE et MILITANCE POLITIQUE

Mao Tse Toung
L'année suivante, 1971, elle se signale au lycée de Jaén, où elle suit une filière scientifique, par des résultats remarquables unis à une tenace rébellion. Avec l'appui discret d'un professeur qui avait été élève d'Antonio Machado à Ubeda, elle réussit à organiser des journées informatives sur... le marxisme. En 1973, après avoir obtenu brillamment son baccalauréat et avoir terminé son cours d'orientation universitaire (COU), elle échappe enfin à l'ambiance très asphyxiante de Jaén et part à Grenade pour étudier la médecine. Elle se trouve immédiatement plongée dans un autre monde. Rapidement elle prend contact avec des militants du Parti des Travailleurs d'Espagne, entre dans la Jeune Garde Rouge, une formation politique d'orientation marxiste-léniniste "pensée Mao Tse Toung", et conjugue les études de médecine avec la militance clandestine, l'agitation politique propre de ces années-là et la lecture de la littérature révolutionnaire: Marx, Engels, Lénine, Ho Chi Ming, Mao, etc...


GRENADE et SES POÈTES

Elle fréquente, comme il ne pouvait en être autrement, les cercles poétiques de la ville et fait la connaissance d'Elena Martin Vivaldi, Rafael Guillén, Antonio Carvajal, Carlos Villarejo, Juan de Loxa, Luis Garcia Montero et autres poètes de la génération "Poetas del Sur" bien que leur voie n'arrive pas à la séduire. Elle décide de suivre la seconde option que lui offre son maître Antonio Carvajal: "... vivre la vie" et de refuser la première: "... apprendre le métier." Dans ses années-là elle rencontre personnellement Vicente Aleixandre par l'intermédiaire d'une

hispaniste française de l'université de Toulouse. C'est pour Angela une expérience inoubliable qui éveillera en elle une grande admiration, jamais démentie, pour le poète andalou. Quelques années plus tard elle dira: "Personne ne pourra comprendre ma poésie sans avoir assimilé d'abord l'oeuvre de Vicente Aleixandre."



PRISON et TRAITEMENT PSYCHIATRIQUE

Angela dans la sierra de Grenade
En 1975, à 20 ans, elle se marie avec un étudiant en mathématique, compagnon du parti et peu de temps après elle est détenue pour distribuer des tracts. Tous ses écrits sont alors réquisitionnés par la police et disparaissent pour toujours. Il ne nous reste plus rien de son oeuvre écrite antérieure a 1975. Au secret elle passe 7 jours dans le commissariat de l'Albaicin puis elle fait un mois dans la prison de Grenade. En sortant de prison avec son mari, elle retourne à Jaén dans la maison de sa mère. Au jour suivant son arrivée la Garde Civile se présente pour la détenir à nouveau. Cette fois on la recherche pour être l'instigatrice de la Jeune Garde Rouge de Jaén où milite son frère Manuel. Angela s'échappe grâce a l'astuce de sa grand-mère Pepa: elle cache sa petite fille dans la salle de bain qui se trouve proche de la porte d'entrée et conduit les gardes jusqu'au salon, au fond du couloir. Là elle les entretient pendant qu'Angela et son mari échappent furtivement par la porte. Ils fuient sur une vieille moto jusqu'à Cadix, ville natale de son mari. Là, sa belle-famille, riches pharmaciens originaires d'Estrémadure, est convaincue que les derniers événements qui ont affecté le jeune couple sont dus principalement au fait qu'Angela... a besoin d'une attention psychiatrique. Pour affronter sa situation de fugitive on exige d'elle qu'elle consulte un psychiatre et ensuite, se rendre à la police; son mari approuve la stratégie et lui confesse qu'avant tout il veut: "... une femme moderne mais classique..."
Elle se  laisse convaincre, commence un traitement psychiatrique et se rend. Elle est emprisonnée à nouveau pour 3 mois dans la prison de Cadix... où elle vit l’enthousiasme provoqué par la mort de Franco. A sa sortie, amnistiée, elle prend ses distances avec son mari et reprend ses activités politiques en faisant du prosélytisme auprès des femmes du quartier populaire de La Vigne à Cadix. Les dirigeants de son organisation s'intéressent à elle comme possible candidate, en vue des prochaines élections, de libre accès pour la gauche radicale.


SON FRÈRE MANUEL, SON NOUVEL AMOUR, PARIS et CHANGEMENT DE VIE

En 1978, elle a 23 ans, son frère Manuel de 20 ans, est hospitalisé d'urgence dans la clinique Puerta de Hierro, à Madrid, pour une opération à cœur ouvert. Elle abandonne tout, militance politique et études, pour être près de son frère à l’hôpital pendant 6 mois. Sa décision lui coûte l'expulsion du parti (pour prioriser les affaires familiales sur les intérêts de la "cause") et son expérience de la routine hospitalière la convainc d'abandonner ses études de médecine; elle dira: "... je ne veux pas faire partie de cette bande d'assassins...". Pour achever les choses elle se sépare définitivement de son mari.
En novembre de 1979, elle fait la connaissance dans un bar de Plaza Nueva, à Grenade, du 
Angela et Vincent en France
cinéaste français Vincent Biarnès. Après avoir passé l'été en Suède à la recherche des bienfaits supposés de la social-démocratie, elle étudie maintenant, sans trop de convictions, psychologie et elle vient de terminer son premier livre de poèmes: "Moments, de la solitude à un rêve", composé avec les seuls poèmes qu'elle possède, fruits des 3 dernières années. Commence alors une relation qui durera 34 ans, jusqu'à sa mort, durant lesquels sa vie et celle de Vincent seront étroitement liées. A nouveau elle entre en contact avec un autre milieu: celui de la vie artistique parisienne.
En 1980, son frère Manuel meurt à l'age de 22 ans, ce qui provoque en elle une grande commotion. Elle déménage à Paris où elle vit plusieurs années, retournant à Grenade dans la mesure du possible. En France, à Paris, elle vit entourée d'artistes, peintres, musiciens et gens du spectacle. Elle lit, en français, Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, Jean Cocteau, René Char et approfondit ses connaissance de Voltaire, Sade, Victor Hugo, Antonin Artaud et les surréalistes. Elle lit également Tagore, Descartes, Freud, Nietzsche et Sartre qui se trouvent entre ses auteurs favoris. Elle n'arrête pas d'écrire. Elle compose plusieurs livres, dont "Made in Paris" (édité en 2010 par la Diputación de Granada et illustré par le peintre Miguel Rodríguez Acosta) et "Dans un bateau de pierre par les mers du cosmos" un livre inspiré par la mort de son frère. En lui, elle commence un voyage spirituel, suivant sa trace, dialoguant avec lui, voyageant dans le cosmos et l'univers. De cette semence surgira a la fin des années 80, son "oeuvre majeure", le poème épique en 3 actes intitulé: "Les pleurs de l'Amère ou le voyage d'Agreste à travers les mondes"  dont nous parlerons plus tard.


RETOUR A GRENADE ET CRÉATION DU TALLER DE ARTE VIMAAMBI
MAAM dans la salle Vimaambi

En 1984, Angela et Vincent achète une maison dans le quartier de l'Albayzin. En 1990 naît Manuel leur premier fils, puis Angel, le second, en 1992. Au mois d’août de la même année ils ouvrent leur Taller de Arte Vimaambi (Atelier d'Art Vimaambi), une association d'artistes: musiciens, peintres poètes et cinéaste, dédié à la promotion et diffusion de toute sorte de manifestations artistiques: littérature, arts plastiques, musique et cinéma. Ce lieu est fondé avec le peintre japonais Yasumasa Toshima,  Miguel Lara Molina peintre de Jaén, le jeune graveur grenadin Joaquin Martinez Albaracin et le musicien de jazz et pianiste nord-américain David Lenker.

Pour célébrer l'ouverture de ce "portail du poète", comme elle aimait appeler ce lieu, elle édite, sérigraphié par elle même, son premier livre: "Distance". A partir de ce moment-là, Angela déploie une activité incessante, revendiquant de manière permanente la dignité de tout être humain, l'importance de l'Art et du travail des artistes. Depuis cet atelier, qui compte avec une salle d'expositions et, plus tard, une salle de spectacles, elle s'applique à réaliser le mieux possible cette tache qu'elle considère propre à son métier, organisant des expositions d'art plastique, des récitals de poésie et musique, et créant des spectacles multimédias qui combinent musique, poésie, peinture et cinématographie.
En l'an 2000, elle commence à travailler avec de jeunes artistes flamencos du quartier de l'Albayzin et crée le spectacle flamenco: "Dans un bateau de pierre par les mers du cosmos" à partir de son livre du même titre, toujours inédit.
En 2007, à l'occasion de l'inauguration de la salle de spectacle de l'atelier, la "salle vimaambi", elle crée un spectacle: "Raíz y Duende", qui est proposé encore tous les weekends dans cette salle, conçu comme un espace permanent pour la promotion des nouvelles générations d'artistes flamencos de Grenade.
En 2010 la Diputación (Conseil Général) de la province de Grenade publie, comme nº50 de sa collection Genil de Littérature, son oeuvre "Made in Paris" illustrée par le peintre et président de la Fondation Rodriguez Acosta, Miguel Rodriguez Acosta Carlström.
La mort la surprend soudainement au petit matin du 4 septembre 2013. Elle quitte ce monde à l'age de 58 ans.

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