Les
jeudi 17 et vendredi 18 Octobre 2019, a eu lieu, à l’Université
Complutense de Madrid, le 3ième congrès international:
« Dieu dans la littérature contemporaine - Auteurs
en quête d’auteur »
Dans
ce cadre, le jeudi, a été présentée la conférence intitulée:
« La
nouvelle mystique de MAAM et la mystique chrétienne »
dont
nous restituons le texte :
LE
PRINCE DU TEMPS :
La nuit était noire
d’un noir sans étoiles
qui embaumait l’air.
Le Prince du temps
avec des ailes de lézard
superposées
volait et volait
par un ciel engommé
obscur
jusqu’aux entrailles.
Les
mots surgissent depuis un lieu inconnu et le poète comme un médium
inspiré et passif les recueille et les exprime sur le papier.
Ce
processus a été décrit par les Surréalistes comme « écriture
automatique ».
C’est
un mode de création « mystérieux » directement relié
aux visions et phénomènes extra-sensoriels, dans lequel
n'interviennent ni la volonté, ni la raison, ni la pensée.
Ces
éléments qui définissent le processus de création originel, nous
autorisent à parler d'une sorte de mystique parce que ce processus
s'identifie et s'oriente vers une fusion complète et harmonieuse
avec le verbe, la source du mystère de la vie et l’origine de tout
ce qui existe.
De
cette fusion, naît le rêve du poète.
Ainsi,
se présente à nous la mystique de Maria Angeles Argote Molina
(MAAM).
MOTS
Mots, entre le papier et le
temps: mots.
Solitude qui cherche le fleuve
pour y noyer les ombres
méticuleuses qui la frôlent.
La lune reflétée par les
hautes fenêtres pleure.
Silences de neige saisis par
le temps
marquent rondelets le cours
des jours.
La lune grandit, remonte les
façades
apparaît perpétuelle entre
les fissures de l'espace.
Un baiser moisi chante des
chansons d'amours impossibles.
Labyrinthes qui émergent et
abolissent les soupirs
avec leur poudre d'ennui,
abolissent les vents, abolissent les soleils.
Dans un panneau d'hiver, entre
inventions géométriques et chétives
ils abolissent l'esprit ouvert
qui nous marque et nous féconde.
Et nous nous faisons vieux
sans boire de la vie son cœur d'amande.
Dans les profondeurs bat
l'écho de la Terre.
Dans les profondeurs rêve
l'enfant avec son bateau traversant les mers.
Solitudes entreposées sur des
surfaces obtuses.
Le jour est mort-né, les
heures sont mort-nées
l'odeur de la mort nous berce,
pleure son aspiration d'être vivante.
Solitude qui s'effondre
blessée comme un pigeon
sur le trottoir gris et pourri
et gris.
Mots entre le papier et le
temps: mots.
DÉFINITIONS de BASE
DÉFINITIONS de BASE
MOT
n°1 : MYSTICISME
Résultat
d’un état mental qui fait que tout l’esprit de l’être humain
est dédié à percevoir l’ineffable : tout ce qui n’a ni
forme, ni aspects, ni qui ne peut être dépeint ni exprimé mais qui
existe par
les émotions qu’il génère.
Quiconque
a connu cet instant où son esprit et tout son être, expérimentent
une émotion bouleversante sans qu’elle se doive à quelque chose
pourvu de forme ou d’aspect matériel directement saisissable,
énonçable ou reconnaissable, sait qu’il existe « quelque
chose » avec lequel il est possible de communiquer et de sentir
des émotions très intenses autant spirituellement que physiquement.
Et ce « quelque chose » est ce qui a été identifié
au cours de l’histoire humaine comme la divinité.
Cela
peut être « Le Prince du temps », « Dieu »,
« Le Seigneur », « Sa Majesté », « Jésus »…
ou simplement: « Ce qui n’a pas de nom ».
MOT
n° 2 : (le) MYSTIQUE
C’est
un être humain dont l’esprit est fasciné par cette faculté de
notre être d'établir une communication intense avec ce quelque
chose « qui n’a pas de nom », qui paraît se cacher
derrière les choses et qui n’est autre que l’origine de toutes
les choses.
Le
mystique, fasciné par le mystère de la vie, consacre entièrement
la sienne à cultiver cette relation, à l’agrandir, à l’enrichir,
en essayant de transmettre au monde qui l’entoure, dans ses actes
et ses paroles, les enseignements profonds et les révélations qui
naissent de cette relation.
Teresa
de Avila (Thérèse de Jésus) et Juan de Yepes (Jean de la Croix)
ont transmis leurs enseignements et ont essayé de se faire
comprendre, dans un environnement régi par de rigides schémas
mentaux, moraux, intellectuels, spirituels
et religieux.
Comme
MAAM, ils utilisèrent la langue castillane et l’Art de la poésie
pour accomplir cette labeur dans la très chrétienne et très
catholique Espagne du 16ième siècle.
MOT
n° 3 : (la) MYSTIQUE
Ce
n’est pas –bien que cela le soit dans certains cas- la version
féminine de ce qui précède.
Il
faut entendre par ce mot, le corpus de l’héritage du mystique, le
récit particulier de son expérience, de sa vie, de ses paroles et
de ses faits. De
préférence, écrits de sa main, faits de sa
chair, de ses os et de sa sueur.
En
elle, il nous faut toujours souligner les procédés employés pour
atteindre cette union parfaite avec « ce qui n’a pas de nom »
et les moyens déployés pour léguer à l’Humanité les
enseignements, fruits de cette connexion, c'est-à-dire « l’œuvre ».
Pour
des raisons de temps, nous nous limiterons aujourd’hui à traiter
ces deux aspects fondamentaux du mysticisme.
1/
L’UNION AVEC « CE QUI N’A PAS DE NOM » :
Il y
a en MAAM, Teresa et Juan un mot essentiel : SOLITUDE
« Je suis la Solitude
Première
belle et inévitable force
qui accompagne chaque instant
de création.
Sans moi
sans ma quiétude et mon calme
le grand événement
des transformations
incessantes
est impossible»
Solitude,
quiétude et calme.
Dans
cet état, l’âme trouve la situation physique et émotionnelle
nécessaire pour prendre contact avec la divinité.
Celle-ci
se donne seulement dans des lieux déterminés : que ce soit
dans les jardins ou les sanctuaires naturels, LA NATURE est le lieu
par excellence.
Parce
qu’elle est la manifestation de tout ce qui existe et du phénomène
des transformations incessantes.
C’est
l’école de tous les artistes et le lieu de prédilection du
mystique pour tous les peuples, toutes les cultures et toutes les
époques.
Tout
s’apprend en contemplant la nature et s’ouvre alors la porte qui
sépare l’homme du principe créateur de l’Univers.
Teresa
et Juan utilisèrent aussi les temples et les constructions, refuges
de la spiritualité, édifiés
au fil des siècles.
Là,
la contemplation devient « oraison mentale » médiatisée
par les œuvres d’art érigées en symboles propres à la religion
régnante en ce temps et en ce lieu.
MAAM
utilise la nature de son sanctuaire et l’emplacement privilégié
de son atelier de l'Albaicin.
Leurs
vies, comme toute vie humaine, sont la manifestation d’un Rêve.
RÊVE
Rêve qui ne s'éveille
et se fait nuage.
Rêve qui nous étouffe.
Le ciel était gris
la mer lointaine et belle
la terre possédée
par des géants obscurs
et mon âme perdue
tâtonnant le terrain
pour pouvoir se saisir
du passage des jours.
La
contemplation permet que se produise l’union avec la divinité.
Depuis
cette union, le mystique peut accéder à un nouvel état qui endort
et dissipe complètement « les 3 puissances naturelles des
créatures : volonté, mémoire et entendement ».
C’est
le « ravissement » que décrit Teresa :
« Ravissement
ou élévation ou envol dit de l’Esprit ou fascination, tout est
un. Je dis que ces différents noms sont une seule et même chose et
aussi s’appelle extase ».
Dans
cet état, tout prend son sens, même « la compréhension qui
ne comprend pas ce qu'elle comprend».
C’est
alors que MAAM découvre l'Harmonie « première messagère des
cieux de Lumière » qui se manifeste dans la totalité de
l’Univers.
Apparaît
la transcendance de toutes les choses, que MAAM décrit comme
« transformations incessantes », à côté de la vanité
du monde des hommes.
Teresa
écrit :
« …
(l’âme) se fatigue du temps passé à penser aux points d’honneur
et à la tromperie qui amène à croire ce qu'est l’honneur, voit
que c’est un grand mensonge et que nous vivons tous en lui… ».
Juan
insiste :
« Tout
l’être des créatures comparé à l’infinitude de Dieu n’est
rien, et par tant l’âme qui en lui met son penchant, devant Dieu
n'est rien et moins que rien… »
En
cela réside un premier enseignement de toute expérience mystique
« le monde des hommes, dans lequel nous sommes tous, n’est
que pure tromperie.»
C’est
une vérité source de douleur, de larmes et de souffrances.
Mais
il existe un autre enseignement :« La divinité, qui
embrasse tout, est pur amour. »
MAAM
écrit :
« Amour,
Amour diffusé dans tout l’univers, tu
saisis maintenant l’essence de la Pureté
altière et du Temps aguerri. »
C’est
l’Amour Divin, que tous les mystiques célèbrent, qui les pousse à
partager leurs expériences.
Ils
ne peuvent cesser d’aimer ces créatures égarées,
desquelles ils ont dû s’écarter pour se réfugier dans la
solitude.
Et
ils brûlent d’envie de leur ouvrir les yeux avec les vérités qui
émanent de «ce qui n’a pas de nom».
2/
LE CORPUS DE LA MYSTIQUE (L’ŒUVRE) :
Si
les processus pour se connecter avec la Divinité sont très
similaires pour tous les mystiques, la façon de partager les
expériences vécues, l’œuvre, est totalement singulière, unique,
parce qu’elle dépend des circonstances de leurs vies.
Teresa
et Juan n’ont pas eu d’autres alternatives que de s’adapter au
cadre spirituel de l’Église Catholique du 16ième
siècle, tenaillé par l’Inquisition.
De
là, l’acharnement obsessionnel de Teresa pour obtenir le soutient
de ses confesseurs et éminents lettrés de l’époque.
Quand
à Juan, il ne peut le dire plus clairement :
« …ce
n’est pas mon intention de m’écarter du droit
chemin et de la doctrine de la Sainte Mère
l’Église Catholique parce que dans ce cas, je me soumets et
résigne totalement à son mandat. »
MAAM
bien qu’éduquée aussi dans la très catholique Espagne
franquiste, a vécu des circonstances bien différentes. Elle est
fille du 20ième siècle où culmine un profond processus
de rejet de toute spiritualité liée à la religion.
Ses
approches sont étrangères à toute tradition religieuse. C'est
pourquoi nous pouvons parler dans son cas d'une nouvelle mystique. Sa
mystique découle exclusivement d’une réalité: LES MOTS et d'un
rêve: LA POÉSIE.
Ses
vers naissent de visions en état de transe, sans intervention ni de
la volonté, ni de la raison, ni de la pensée. En cela elle garde
une affinité avec les Surréalistes.
Elle
n’établit pas de communication avec une seule présence, ni avec
Trois qui sont Une, mais avec une multitude.
Si
"au commencement était le verbe", une question se pose:
D’où viennent les mots ?
MAAM
dans son œuvre « El llanto de la Amarga…» trouve deux
personnages lumineux : PRIMPANA la princesse des mots
naissants :
« La belle Primpana
porteuse dans les ondes
du vent cristallin
des mots naissants
avec un cœur de rubis. »
Et
ZORA, nymphe des bois où reposent les mots. Primpana et Azur (prince
des mélodies éthérées) sont les parents du Nouvel Art, qui dirige
le «saut évolutif des Zones Planétaires».
L’Harmonie
et la Pureté sont témoins, sur la planète cristalline, de
l’arrivée des mots.
"Ce sont les mots
-dit la Pureté-
qui viennent chercher leur
cœur.
Parce que les mots
ont un cœur amovible.
Ainsi ils peuvent dormir
indéfiniment
dans les bois de Zora
leur nymphe préférée.
Ensuite quand ils veulent
s'éveiller à nouveau
ils viennent sur leurs
petits sièges endormis
et joyeux ils viennent
jusqu'aux chaudes entrailles
de ma profonde cave
où leurs cœurs dorment aussi
et dans leur rêve
se transforment
et s'enrichissent."
Puis
les mots sont recueillis par le poète pour alimenter, encore
et encore, sa lyrique. Et c’est ainsi que son
Rêve devient ŒUVRE: œuvre faite de mots et de parole.
POUR LA MER
Tu
es arrivé jusqu'ici…
Tu
as traversé les denses goulets de la brume
le
silence proscrit des champs castrés.
Tu
as roulé en écume comme chant céleste
et
royale de ton manteau tu as caché la lune.
Mais
à l'arrière tu laissas le sel
cette
humeur saline qui me
fait amoureux
cet
aller et venir soutenu
par
de fugaces Néréides
cet
enlèvement multiple
de
roches tamisées
par
la langue des eaux.
Ils
m'ont dérobé le calme.
Ô
cœur écartelé
entre
le mont, cuirasse
des
rêves naissants
et
l'océan palpitant
avec
sa rumeur continue!
Qui
pourrait être nymphe
compagne
d'Artémis?
Descendre
par les eaux
pures
des monts
chantante
et allègre
comme
nouveau née
et
arriver jusqu'à toi horizon salé
et
arriver jusqu'à toi…
ô,
lyrique contraste
de liquide métal
et
composer avec toi la symphonie
le
cantique des 100.000 espèces
comme
une espèce de plus
ma
peau déjà nacrée…
la
chevelure océanique.
Vous
m'avez barré le passage
immenses
barricades
dans
les plaines peuplées
par
des êtres electroïdes
vous
détenez mon rire
dans
des cuves hermétiques.
Ah!
Ma pureté n’est
qu’un
souvenir lointain!
Sur
moi l'immondice
la
voracité plastique.
Et
je ne veux pas arriver ainsi jusqu'à toi
avec
des aiguillons de mort
dans
mes ondes obscures.
Et
je pleure
je
pleure le rêve nouvel
qui
ne prospéra dans l'Aurore
je
pleure la révolte
de
chair corrompue…
Et
je pleure et je pleure immenses
des
pleurs qui fouettent
les
parois de l'Âme…
Essence
pure tu arrives
mers
évaporées
délivrez
moi du tourment
de
ne pas être qui je suis
lavez
mes blessures
qu'il
pleuve, pleuve sur ma vie
inondez
les recoins
où
triomphe l'oubli.
Je
veux être à nouveau messagère
du
baiser authentique.
Un…
à une…
le
vent… chaque vague.
Traduction: Véronique Seguin, Vincent Biarnès, Jean Jacques Fresko.
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